Sundae s’était réveillée avec une drôle de sensation dans la gorge. Le dortoir était encore plongé dans l’obscurité, et le silence ambiant l’avait frappée lorsqu’elle avait ouvert les yeux. Brisé par les exhalations lentes et calmes de ses camarades, il était si intense qu’il en prenait une dimension palpable, et, fascinée par cette atmosphère qu’elle ne connaissait plus, elle en avait inconsciemment retenu son souffle quelques secondes, s’imprégnant de tout son être du calme ambiant. Sans un mot, elle avait glissé ses jambes hors du lit, s’asseyant sur le matelas, tous les sens exacerbés, respirant la bouche grande ouverte pour emplir son organisme de cet air paisible. Les premières minutes, émerveillée, elle baigna dans une sorte de magie surprise, puis, peu à peu, elle sentit elle-même les effets de l’inattendu s’éloigner, et la nostalgie la gagna lentement, insidieusement, comme une araignée gagne sa proie engluée dans sa toile, sachant qu’elle ne peut s’échapper et que de ce fait elle n’a nul besoin de se presser. Caressant le drap doux du bout du doigt, elle se laissa aller à repenser à la lointaine époque où elle se ouvrait des yeux ensommeillés le matin sur sa chambre silencieuse et baignée de soleil, les yeux attendris de sa mère rivés dans ses prunelles. Elle se surprit à rêver du temps où les mains d’abord hésitantes de son amour de jeunesse caressait sa peau avec une tendresse maladroite, courait sur son corps, effleurait sa joue. Sa gorge se serra légèrement, ni de tristesse, ni de détresse, juste de rage, de honte – de cette émotion innommable d’avoir perdu son temps. Secouant la tête, elle posa son regard sur son chat, roulé en boule au bout du lit, qui ouvrait de temps en temps ses yeux intelligents pour les confronter à ceux de sa maitresse. Tendant une main, elle lui fit une légère caresse, avant de se lever, simplement vêtue d’une culotte blanche et d’un tee-shirt trop grand pour elle. Marchant lentement dans le dortoir endormi, elle laissait glisser ses doigts sur les murs de Poudlard, réalisant tout à coup qu’elle était désormais à sa dernière année dans l’établissement ; elle prit comme une claque cette idée qui s’imposa à elle, celle que sa jeunesse touchait en réalité à sa fin, qu’elle était majeure et qu’elle serait bientôt livrée à elle-même. Elle sentit la boule dans sa gorge s’intensifier encore et davantage. Elle ressentait cette sorte de peur de l’inconnu, peur de quitter ce qu’on aime, peur de voir ses souvenirs pris par quelqu’un d’autre. Elle jeta un regard global sur le dortoir, s’attardant sur le lit où elle avait dormi près de toutes ses nuits depuis huit ans, ce lit qui avait connu ses larmes et ses rires, ce lit où somnolait le félin qui la suivait depuis longtemps.
Perdue dans ses pensées, Sundae attrapa un pull, sans réfléchir à se couvrir davantage, et sortit, briquet et Marlboro en poches. Dieu que Poudlard allait lui manquer. Peut-être qu’elle manquerait à Poudlard aussi après tout. Elle passa doucement la main dans ses cheveux bleus tout en traversant la salle commune d’un pas presque hésitant, comme si elle redécouvrait ces lieux qu’elle considérait comme son chez-soi. Son regard s’arrêta quelques instants, songeur, sur la place un peu éloignée des autres, près du feu, qu’elle avait coutume d’occuper, puis sur les tables debout sur lesquelles elle avait chanté et dansé, sur le sol où elle s’était endormie, ivre morte, dans les bras de quelque garçon comblé que ce soit. Une légère envie de vomir envahit sa bouche, et nauséeuse, elle quitta la pièce, sous le regard étonné mais bienveillant du Moine Gras. Serrant son pull contre elle, elle monta du même pas trainard, perturbé, les marches qui menait au hall d’entrée. Ses pieds nus se glaçaient au contact du carrelage froid, lui tirant des frissons frigorifiés, mais elle continuait de marcher, perdue dans ses pensées. Elle s’arrêta quelques instants devant les portes de la Grande Salle, ouverte sur les tables des maisons dénudées de toute nappe et de tout met. Une inévitable nostalgie l’emplit, et ce fut comme une gifle lorsqu’elle réalisa qu’elle venait de passer sa dernière cérémonie de répartition, qu’elle ne verrait plus jamais les premières années frissonnant d’excitation et d’anxiété devant le Choixpeau, que les joies de Poudlard, c’était fini pour elle. Silencieuse, elle reprit sa marche, montant lentement l’escalier en colimaçon menant aux salles de cours de l’étage supérieur. Elle traversa le couloir, se perdant intérieurement entre les souvenirs de plans culs dans les toilettes de Mimi Geignarde et les mémoires de cours séchés avec Danil passés à trainer dans les étages de Poudlard.
Danil, ah, Danil … Au fond, qu’est-ce qu’elle l’aimait ce mec. Peut-être plus que n’importe qui en vrai. Elle avait tellement de mal à accepter qu’il puisse en apprécier d’autres qu’elles, comme cette Jools, elle ne supportait pas de le voir embrasser une fille, ni de l’imaginer au lit avec. Elle aurait juste voulu que son frère d’âme, de cœur et d’esprit ne soit qu’à elle, que pour elle, et ce pour toujours. Il était la personne la plus proche qui s’approchait du meilleur ami, et l’idée qu’elle le perde en quittant Poudlard lui faisait aussi mal que lorsqu’elle qu’elle s’était retrouvée seule et désabusée après avoir tout offert à celui qu’elle appelait « l’homme de ma vie ». Non, pas aussi ; plus encore. Elle se sentait mourir à la simple idée de perdre Danil, ses jambes étaient prises de tremblements insurmontables, ses mains se crispaient, sa bouche se tordait et des sanglots ébranlaient tout son corps maigre ; c’était comme lorsque, trop subjuguée par un film, elle se jetait tellement dedans que chaque phrase était comme un gong dans son âme. Elle se détestait d’être si faible et se rassurait de se voir encore si sensible. Elle aurait voulu être une de ces femmes fortes qu’elle adorait tant et était soulagée de réaliser qu’elle n’était pas encore devenue la même pierre que celle qu’était sa mère. Essuyant une larme qui coulait le long de sa joue, elle entra dans une salle vide et s’accouda à la fenêtre, qu’elle ouvrit en grand. En réalité elle se détestait de ce qu’elle était devenue. Elle avait juste voulu ressembler à ses idoles, ces femmes incassables, libérées, fières d’être ce qu’elles étaient, et n’avait réussi qu’à faire d’elle la plus grande catin de Poudlard, et la moins chère de prime. A défaut d’être une bonne pute, peut-être qu’elle était au moins une bonne salope. Loin de lui faire chaud au cœur, cette idée s’ancra dans son âme comme un pieu, et elle s’assit sur une table, les bras ballant. Glissant une main dans sa poche, elle sortit son paquet de cigarettes et son briquet, en allumant une puis reposa le tout à côté d’elle, avant de se reculer sur la table et de ramener ses jambes contre sa poitrine, posant ses pieds glacés sur le plateau de bois. Dehors, il lui semblait que la lune lui faisait des pieds de nez. Elle ferma les yeux et soupira doucement, exhalant la fumée nicotinée qu’elle venait d’inspirer. Peut-être qu’au fond elle était une de ces jeunesses ratées, qu’elle serait bientôt dans la rubrique nécrologie à la mention suicidée, qui sait, au fond. Qui sait.
Sundae n’eut pas besoin de se retourner pour reconnaître les pas derrière elle, pas même de se demander à qui était ce souffle calme, tout comme elle n’aurait eut besoin de s’interroger sur l’identité des yeux en amande dans son dos. Elle se contenta de tirer une longue taffe de tabac, de rester quelques instants encore silencieuse, puis de prendre la parole après avoir expiré la fumée.
« Tu sais petit frère, tu vas beaucoup me manquer. Je t’enverrai des hiboux, je te le promets. Je veux pas te perdre toi aussi. Malgré tout ce que je te dis, je t’aime, tu sais, Danil. Me laisse jamais. C’est pas comme avec Eloyce, Eloyce c’est juste ma petite sœur, tu comprends ? Au sens que je me dois de la protéger parce que si je le fais pas, je ne sais pas qui le fera, et que je refuse de la laisser seule aux griffes du monde. Toi, c’est différente. T’es mon petit frère, petit parce que t’es pas grand, mon frère parce que j’ai l’impression qu’on a été taillés dans la même pierre des fois. S’il le fallait je pourrais me damner pour toi. T’as toujours été là et j’ai juste peur qu’un jour, tu ne le sois plus. S’il te plaît Danil, laisse pas l’année prochaine nous éloigner. Je tiens trop à toi pour accepter ça. Je veux pas qu’on m’arrache mon cœur encore une fois Danil. Je veux pas qu’on t’arrache à moi. »
Elle se tut, la voix légèrement rauque, et se tourna vers le jeune coréen en lui faisant un sourire un peu crispé, avec en réalité pour seule envie celle de se précipiter dans ses bras.
Nathanael A. Iscariote Professeur, Admin-geek à l'état pur.
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Sujet: Re: « don't let me down tonight » ; prio Sam 19 Jan - 2:46
« Moi je veux vivre ... Vivre ... Vivre ... Un peu plus fort ... » Le problème, c’est que même si tu m’disais « je t’adore » j’te croirais pas ! Je sais plus quand tu joues et quand tu joues pas. J’suis perdue... Attends deux secondes, j’ai pas fini... Dis-moi qu’tu m’aimes... Dis-moi juste que tu m’aimes. Parce que moi j’oserai jamais te l’dire la première, j’aurais trop peur que tu crois qu’c’est un jeu... - Jeux d'enfants.
Il n’arrivait pas à dormir. Danil n’arrivait plus à dormir, et ce depuis un certain temps déjà. Ses pensées allaient toujours vers l’inconnu, puis le ramenaient vers ses problèmes. Et, plus il pensait, moins il pouvait dormir. Alors, une fois encore, le jeune homme avait décidé de se lever de son lit et d’aller marcher dans les couloirs, histoire de faire passer l’insomnie, qui lui était désormais si familière.
Cela faisait longtemps qu’il n’avait pas parlé à Audric. A vrai dire, leur dernier contact remontait à il y a quelques semaines environ, lorsqu’ils étaient encore chez eux, juste avant la rentrée ; Audric n’arrivait pas à passer outre les choix de Danil. Le fait était que l’amour d’Audric pour son jumeau n’avait pas été assez fort pour résister à sa haine pour leur père, ce père indigne qui avait préféré les abandonner plutôt que d’assumer leur charge. Malgré tout, le Serdaigle aimait ce père difficile, ce père qui, finalement, ne méritait pas vraiment ce titre. Il l’aimait, et ne pouvait s’empêcher de l’aimer. L’aimer lui permettait de se rassurer lui-même, de se bercer, d’endormir son angoisse permanente de se faire abandonner. Ainsi, en aimant son père, Danil arrivait à se persuader que, malgré tout, ce dernier l’aimait aussi en retour. Chose fausse, bien sûr, mais le jeune coréen ne voulait pas ouvrir les yeux sur cette dure réalité. Jamais. Jamais, au grand jamais, il ne s’avouerait une chose comme celle-ci. Jamais. C’était bien trop difficile d’ouvrir les yeux, et bien trop dur de voir la froide et morne réalité qui s’offrirait alors à lui. Sa mère était morte, son père l’avait lâchement abandonné, et son frère le haïssait pour sa faiblesse.
Bah oui … Danil ne pouvait décemment pas ouvrir les yeux. Parce qu’à l’instant même où il le ferait, il allait se rendre compte … A quel point il était seul. Et à quel point depuis des années, ce furent seulement des illusions sur lesquelles il s’appuyait, ce furent seulement des illusions qui le berçaient le soir, seulement des illusions qui lui permettaient de s’endormir et de vivre chaque jour sans s’angoisser de tout … Et rien d’autre. Danil était seul, seul depuis des années, seul et définitivement seul. S’il tombait et mordait la poussière, alors personne ne serait là pour lui tendre la main. Personne ne serait là pour l’attendre, et pour l’aider à se relever. A guérir, à se soigner. Personne ne serait là pour l’aider à se sentir moins seul, et à vaincre cette solitude infernale.
Le seul bruissement de ses pieds nus sur le sol glacé se faisait entendre. Hormis cela, rien ; un silence total, irrémédiable, et pourtant tout aussi léger que du vide. Danil ne savait si tout allait bien ou si tout allait mal. Il était dans cet état second, celui dans lequel on se trouve en plein milieu de la nuit, avec ses pensées les plus noires. Lorsqu’on a comme cette impression … Que le temps s’est arrêté. Mais peut-être que c’était vrai. Les couleurs vides, et silencieux ; les tableaux endormis, le froid mordant de la nuit … Il n’y avait rien, rien, aucune présence humaine pour attester de la longue avancée du temps. Non. Dans l’esprit de Danil, ce moment, cet instant était le plus spécial de tous ; au beau milieu de la nuit, le temps s’était arrêté, pour lui.
Ce ne fut que cette voix grave et douce, qui lui était si familière, qui vint briser le silence presque surnaturel qui semblait plonger le château dans un sommeil séculaire, voire éternel.
« … »
Danil ne savait que répondre. Il ne se reconnaissait pas dans les mots de Sundae ; non, il n’avait jamais été comme la jeune fille l’idéalisait. Danil était pareil à un petit enfant, dans sa tête. Pareil à un petit enfant qui a besoin d’une seule chose : la certitude de ne pas être abandonné. En cet instant magique, séculaire, Danil n’aspirait qu’à une seule chose : l’amour de son frère, à nouveau, sa présence rassurante, l’apaisement de son cœur tourmenté. Danil ne pouvait être là pour les autres, étant déjà absent pour lui-même. Mais oui, oh oui, qu’il aimait Sundae. Cette fille … Cette fille était, pour lui, comme un rayon de soleil dans la morosité qui faisait sa vie. Mais les mots, les déclarations enflammées et autres grands discours n’avaient jamais été le fort du jeune homme. Danil était beaucoup trop timide pour cela, beaucoup trop introverti pour exprimer clairement ce qu’il ressentait tout au fond de lui.
Alors, laissant le silence reprendre ses droits sur le château, Danil s’approcha silencieusement, doucement de son amie, et observa le parc des yeux, histoire de se donner une petite contenance. Il se fit violence, et délia enfin sa langue. Sa voix allait être mal assurée, tant sa gorge était serrée ; mais non, elle était normale, neutre. Egale à elle-même. Tout comme Danil avait toujours semblé l’être, en toutes circonstances, quoi qu’il lui arrive. C’était beaucoup plus facile comme ça. Il était toujours beaucoup plus facile de se cacher, de se protéger du monde extérieur derrière une carapace uniquement faite de silence et d’indifférence. Mais désormais, l’espace d’une petite minute intense, ce moment était révolu. Il y avait des choses qui méritaient d’être dites, et ce que Danil s’apprêtait à dire en faisait partie.
« Tu sais … Je suis pas très fort avec les mots, et j’ai jamais aimé lire de tragédies shakespeariennes. Honnêtement, Sun’ ... Je pense pas que tu puisses véritablement me perdre un jour. Mais tu dois vivre ta vie, et arrêter de t’angoisser comme ça à cause de moi. Tu sais, je mérite pas que tu t’inquiètes comme ça. Je serai là, toujours là, quoi qu’il arrive, pour toi, t’inquiète pas va. Moi aussi je t’aime, et personne ne m’arrachera à tes griffes de maman poule. »
Sa petite tentative d’humour tomba à plat – Danil lui-même n’en avait pas sourit, et il continuait juste de fixer le parc, dehors. Ses paroles étaient sorties sans qu’il puisse véritablement s’en empêcher, mais son cœur était resté sec, inanimé. Il n’était pas honnête avec Sundae. Il n’était pas la personne qu’il prétendait être. Non. Danil n’était pas une grande gueule pleine de rhétorique et de philosophie. Non. Loin de là … Un soupir brisa à nouveau le silence.
« Je … » Danil se racla la gorge, essayant d’affirmer sa voix. Sans y parvenir.
Léger silence.
« Lorsque je t’entends … J’ai pas l’impression que c’est de moi, que tu parles. Je suis pas fort, Sundae, loin de là. Je suis un pauvre con pleurnichard … Trop faible, tellement faible que je n’ai jamais pu détester mon père, même s’il nous a abandonné Audric et moi. Et j’aime Audric, plus que tout, tu sais. Ca me fait très mal qu’il me déteste, mais j’arrive même pas à soutenir son regard ! Oh tu sais, il a raison, il a raison … Il a raison de me détester. Parce que oui, c’est ça, si mon frère jumeau me déteste, c’est uniquement par ma faute. J’ai pas su être fort comme lui et haïr mon père comme j’aurais dû le faire. Mais non. Je n’peux pas faire ça. »
Danil sentait la boule dans sa gorge remonter peu à peu, insidieusement ; ses lèvres tremblaient légèrement, et il se fit violence pour ne pas fondre en larmes. Il était déjà bien assez pathétique comme cela …
« Tu vois, Sun … Il n’y a aucune raison qu’on t’arrache à moi. Pour ça, déjà, il aurait fallu qu’on ai envie de m’arracher à toi. Mais ne nous faisons pas d’illusions : la solitude est notre seule compagnie ici, en ce bas monde. J’ai toujours vu mon existence comme un moratoire. Les petits plaisirs simples de la vie, j’en ai déjà vécu. Mais au fond, ça n’était pas sincère. On peut ressentir du plaisir, et un certain bonheur. Mais tout aussi éphémère qu’un rêve. Parce qu’une fois en tête à tête avec sa solitude, c’est là qu’on se rend compte à quel point on est imperméable à tout. Que rien ne peut nous toucher. Que rien ne nous touche à part cette souffrance qui nous ronge peu à peu les entrailles, à part cette solitude qui murmure à notre oreille tous les soirs. Tout a le goût de la cendre ; qu’on le veuille ou non. »
Sundae E. Ruadhagan Poufsouffle, Admin-geek à l'état pur.
« wich one of these words don't you understand ? oh caught in a mosh !
talking to you, it's like claping with one hand »
Sujet: Re: « don't let me down tonight » ; prio Mar 22 Jan - 22:31
Après un long silence, la voix de Danil s’éleva doucement derrière elle. Durant son mutisme, elle avait senti son cœur affolé cogner contre sa cage thoracique comme un animal emprisonné cherchant à s’échapper. Elle ne supportait pas de rester ainsi figée, avec ce sourire faux, fixant son ami en attendant une réponse qui semblait ne jamais venir, et elle finit par reprendre sa position initiale, ramenant ses jambes contre elle. Elle tirait une seconde taffe sur sa cigarette, tentant de retrouver un rythme cardiaque plus calme, lorsque Danil parla, lui tirant un léger sursaut. En écoutant sa voix, elle ne put ensuite réfréner un long frisson glacé qui courut le long de son échine. Sundae avait espéré qu’il prendrait un ton plus doux, plus vivant, pas cette intonation automatique, exempte de toute émotion, qu’il avait toujours et qu’elle connaissait par cœur. Elle écouta ses paroles, qui lui semblèrent creuse, la plaisanterie du coréen ne parvenant pas même à lui tirer un sourire. C’était comme si tout tombait par terre tout à coup ; comme si son cœur avait jailli hors de sa poitrine avec un rire moqueur ; comme si sa seule attache venait de la laisser insidieusement glisser au sol. L’espace d’un instant, elle se demande pourquoi elle s’était attachée à Danil, parce qu’après tout, il n’était qu’un homme. Un être peu sensible, incapable d’empathie. Elle avait cru qu’il la consolerait, qu’il la prendrait dans ses bras, qu’il lui dirait qu’il serait toujours là pour elle et qu’il l’aimait aussi ; elle n’avait jamais imaginé qu’il lui ferait ce genre de morale, à peine supportable à l’oreille, qui lui donnait envie de pleurer de rage, car rien ne vous détruit plus que d’entendre la vérité lorsqu’on ne demande qu’à ouïr ce qu’on demande. Elle retint un soupir blessé, et tourna la tête, un rideau de cheveux masquant son profil, pour plonger son regard dans celui de la lune paisible. Elle tira de nouveau sur sa cigarette, emplissant ses poumons de fumée, puis souffla doucement, observant le nuage blanc devant elle. Posant sa main sur la table à côté de sa cuisse, elle réalisa qu’elle tremblait, et au prix d’un extrême effort de volonté, parvint à calmer les spasmes de ses membres. Plaquant sa paume contre le plateau de bois sur lequel elle était assise, elle expira doucement, tentant de reprendre son calme.
Danil reprit la parole, ou du moins articula plus difficilement un mot, puis se tut quelques instants à nouveau. Sundae se retourna vers lui, posant ses pieds nus sur le sol froid de la salle, plongeant son regard dans celui de son ami. Derrière lui, l’œil atone d’une caméra les surveillait, et elle sentit monter en elle l’envie d’hurler. Faisant un effort de concentration, elle se réintéressa aux paroles du coréen. Sa voix avait changé, moins ferme, et, le fixant, elle nota qu’il y avait quelque chose de désespéré sur son visage, comme un parfait écho de ses paroles. Elle comprenait sans comprendre. Elle ne savait pas la douleur d’être renié par son frère et son père mais ne connaissait que trop bien la sensation d’être faible, faible parce qu’on baissait les bras, faible parce qu’on était pas foutu d’aller bien, faible parce qu’on se formalisait des plus petites choses, faible parce qu’il suffisait d’une pichenette pour faire tomber la forteresse de papier mâché qui nous servait de défense. Elle tira une nouvelle fois sur sa cigarette, laissant son regard se promener sur la salle, effleurer les tables, le tableau, les aspérités dans les murs, la présence dérangeante de la caméra qui les surveillait, puis s’arrêta de nouveau sur Danil. Expirant de la fumée, Sundae ne put que donner raison au garçon : tout avait goût de cendres. Elle lâcha un petit soupir. Ses cheveux prirent doucement une couleur plus sombre, s’approchant davantage du noir que du bleu, tandis que ses yeux se teintaient d’irisations verdâtres. Lorsqu’elle reprit la parole, sa voix rauque la surprit elle-même de par sa gravité ; il lui semblait entendre l’adulte qu’elle était sensée être plus que la jeune fille qu’elle voulait rester.
« J’aurais adoré être une raison qui t’empêche de parler de la solitude. »
Elle tapota légèrement sa cigarette, tira une dernière fois dessus puis l’écrasa sur la table.
« Tu sais, Danil, tu te dis faible parce que tu es incapable de haïr, mais tu préfèrerais vivre dans la rage et la rancœur, toi ? Tu préfèrerais mourir de haine dès que tu croise le regard de celui qui t’a fait mal ? Tu préfèrerais te réveiller limite jouissant en pleine nuit, en te souvenant d’un rêve où tu lui brûlerais les yeux et les mains, où tu lui arrachais les ongles et les cheveux, où tu l’entourais d’un fil électrique dénudé avant de faire passer deux cents volts juste pour le voir qui souffre ? Tu préfèrerais ça, Danil, te réveiller et des fois te demander si t’es normal, prendre un plaisir mauvais à l’imaginer mourir devant tes yeux et ne rêver que d’une chose, baisser ton froc pour lui pisser à la gueule ? Tu aimerais vivre avec l’envie perpétuelle de crier au monde ce que tu adorerais lui faire, mais la peur constante qu’on te repousse à tout jamais, que t’interne, qu’on te prenne pour fou sans chercher à comprendre ce qui t’habites ? »
La jeune femme le regarda, calme. Elle n’avait pas cherché à le piéger, ni à le faire culpabiliser ; elle avait parlé d’un ton posé, et lui laissant le temps de chercher en lui les réponses aux questions qu’elle avait soulevées, avant de reprendre.
« Ne dis plus que tu es faible, Danil. Je refuse de t’entendre dire ça. Tu as le courage de continuer de vivre, tu as le courage de pardonner, et c’est la plus grande preuve de grandeur. Moi je déteste, à répétition, pour des années, des décennies, pour la vie dans toute sa totalité, je hais et je médis, je ne cherche même pas à l’excuser. Quand on m’a fait mal, je ne pardonne pas, je ne sais pas pardonner. C’est tellement gamin au fond. T’y crois toi, que j’ai dix-huit piges ? »
Elle eut un petit rire rauque et dissonant.
« On croirait une gamine pré pubère d’à peine douze ans. Coucou mon chéri m’a volé mon quatre heures pour le donner à son amie je le hais lui et tous les hommes je ne veux plus m’attacher lolilol venez tous me baiser histoire de voir si je m’attache à vos petites queues. »
Croisant à nouveau le regard de caméra, elle se détourna et sortit une nouvelle cigarette.
Nathanael A. Iscariote Professeur, Admin-geek à l'état pur.
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Sujet: Re: « don't let me down tonight » ; prio Mer 30 Jan - 16:21
« This is the end ... ; hold your breath and count to ten. » Le problème, c’est que même si tu m’disais « je t’adore » j’te croirais pas ! Je sais plus quand tu joues et quand tu joues pas. J’suis perdue... Attends deux secondes, j’ai pas fini... Dis-moi qu’tu m’aimes... Dis-moi juste que tu m’aimes. Parce que moi j’oserai jamais te l’dire la première, j’aurais trop peur que tu crois qu’c’est un jeu... - Jeux d'enfants.
« Personne ne peut m’empêcher de parler de la solitude. La solitude, tu vois, c’est comme le cancer. Une fois que tu l’as dans la peau, elle te tue. Peu à peu, à petit feu, elle prend son temps. Elle prend tout son temps. Mais, au final, quoi que tu fasse, ce sera toujours elle qui gagnera. La solitude a toujours gagné, que ce soit avec moi, avec toi, ou avec n’importe qui d’autre. La solitude est partout. Elle nous enveloppe d’une soyeuse protection dès notre naissance … Une soyeuse protection qui deviendra peu à peu ton tombeau. »
Les yeux de Danil fixaient le vide, droit devant lui. Cela faisait longtemps qu’il n’avait pas parlé aussi longuement, aussi vite ; les paroles coulaient de sa bouche comme du poison des dents d’un cobra. Il parlait si peu, si rarement, qu’une fois lancé … Impossible de s’arrêter. Il ne savait pas comment faire, pour stopper l’écoulement du pus de ses plaies infectées. En cet instant, ses paroles se confirmaient justes : plus les mots s’alignaient les uns derrière les autres, plus son cœur se serrait … Et plus la solitude l’envahissait. Refroidissait ses os et son corps. Sundae ne pouvait pas comprendre. Si son propre père, son propre frère, n’avaient pas réussi à comprendre cela … Alors il n’y avait absolument aucune chance pour qu’elle, oui. Finalement, le flot de ses paroles se tut. Le silence reprit ses droits, jusqu’à ce que la jeune Poufsouffle le brise à nouveau. Danil tourna tout doucement sa tête vers elle, l’observant de ses yeux bleu clair. Et sa réponse força la barrière de ses lèvres sans qu’il n’eu besoin de réfléchir.
« Oui. »
Le jeune sorcier chercha ses mots durant quelques instants, réfléchissant à la meilleure manière de dire ce qu’il avait en tête. Puis, comme depuis le début de cette rencontre intemporelle, les mots finirent par sortir d’eux-mêmes. Presque … Oui. Naturellement. Ils sortaient avec un naturel déconcertant. Mais en pleine nuit, lorsque le temps semble s’être arrêté … En cet instant, Danil savait tout au fond de lui-même qu’il n’avait absolument plus rien à perdre. Tout ce qui avait toujours vraiment compté pour lui lui avait déjà été arraché : sa mère, en premier lieu, puis son père. Et, enfin, pour finir … Le comble. Son frère. Tout lui avait été enlevé, arraché ; par sa propre passivité, sa propre inaction, sa propre faiblesse, Danil avait réussi à tout perdre. Un dégoût profond de lui-même hantait ses jours et ses nuits. Rendant tout d’une éternité tout aussi fugace que les cendres des cigarettes de sa chère Sundae.
« Tu sais, j’ai toujours voulu être comme … Comme toi. Comme Audric. Avoir du caractère, du répondant. Savoir me défendre. Ne pas être une pareille vermine, servile, inapte à la vie en société, qui passe son temps à se plaindre et à s’apitoyer sur lui-même. Mais non ! Tout ce que je fais, c’est de me torturer l’esprit. Je n’ai ni la force ni le courage d’agir autrement. Tu pourras jamais changer ça, Sun’. Et tu le sais. »
Un soupir résonna dans la salle de nouveau envahie par un silence sans âge. Lorsque Sun le brisa de nouveau pour s’exprimer, Danil l’écouta sans la couper. Il ne voyait pas quoi dire. En cet instant, tout ce que pouvait bien dire son amie lui passait au dessus de la tête ; il ne la comprenait pas vraiment, et ce qu’elle lui disait … Ne le touchait pas vraiment non plus. Il avait essayé de lui dire quelque chose, tout à l’heure, il avait essayé. Il avait essayé. Du mieux qu’il pouvait, avec ses mots à lui. Des mots pas très simples, des mots détournés. Faibles. Lâches. Tout comme lui l’était. Et … Sundae n’avait pas comprit.
Sundae ne comprenait pas.
Le rire jaune de Sun sonna comme les moqueries de la solitude, aux oreilles de Danil. Maintenant, sa solitude lui prenait même sa meilleure amie. Il s’éloignait peu à peu d’elle ; partant dans une réflexion tellement étrange qu’elle ne pouvait la comprendre. Et, encore une fois, Danil se retrouvait seul. Il avait toujours de nouveaux espoir, il bâtissait toujours un espoir. Pour lui permettre de continuer, pour lui permettre d’avancer ; mais … L’échec était à peu près tout ce qu’il avait toujours connu.
« Je n’ai pas vraiment la volonté de vivre … Comment dire. »
Danil détaillait le pavé du regard, cherchant ses mots. Comment formuler ce qu’il voulait dire.
« Si tu veux, je n’ai pas le courage de me tuer. Je n’ai pas le courage d’aller jusqu’au bout, de sauter le pas. Je suis bien trop las pour tenter. Peur de l’échec … »
Les mots coulaient de source.
« … Mais si un camion passait devant moi, je ne dis pas non plus que je l’éviterai … »
Les mots coulaient de source.
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Sujet: Re: « don't let me down tonight » ; prio
« don't let me down tonight » ; prio
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